• La mort dans la peau...

    Qui n'a jamais été la cible de cette étrange et froide impression qui vous prend aux entrailles et glace votre sang, survenant lorsque l'on contemple l'homme couché en son cercueil - sa dernière demeure - alors que l'on avait très bien aperçu celui ci, quelques jours auparavant, mobile, souriant, riant ? La transition de l'état de vivant à mort, d'existant à disparut, de mémorable à oublié, de présent à passé, se fait souvent avec une telle brusquerie, que l'information n'est que très difficilement assimilée. Quel choc que celui de voir disparaitre brusquement et sans adieux, une partie de votre vie, si infime soit-elle.

    Récemment, la réalisation de cet état de choc saisissant alors que je prenais connaissance de quelques sinistres nouvelles, m'a poussé à réfléchir de manière plus assidue sur cette réaction propre aux hommes, et qui s'avère capable de bouleverser le plus solide des êtres. Aussi, l'on pourra se demander, pourquoi réagissons nous ainsi ? Et comment devrions nous nous comporter afin de diminuer le choc émotionnel considérable qui vient nous ébranler à l'annonce de si lugubres nouvelles ?

    "Vous êtes sur terre, c'est sans remède" déclarait Beckett dans son oeuvre Fin de Partie, illustrant ainsi la condition humaine comme une maladie rampante, inévitable, inéluctable, se résumant en une plus ou moins longue agonie - la vie - et une fin égale pour tous - la mort. Si Beckett ne nous apprend rien à travers ces mots, il permet tout de même d'imposer une certaine philosophie de la vie à ses lecteurs/spectateurs : devant la mort, nous sommes tous égaux. Aussi, l'homme devant un jour ou l'autre affronter son dernier jour, et succomber comme chacun se doit, il semblerait plus normal pour chacun de ne pas être choqué devant la mort d'un autre être.

    Hélas, l'être humain n'a malheureusement pas été fait pour prendre conscience de son inévitable fin. Personne ne croit à sa propre mort, et chacun est convaincu de son immortalité (Freud) - autrement, comment pourrait-il supporter la vie ? Il semblerait que l'être humain ai été fait pour ignorer ou rejeter cette inévitable perspective qu'est son annihilation. Aussi, la mort de ses proches, ou d'un être lui étant vaguement familier aurait l'effet d'une brutale prise de conscience, d'une chute d'un haut mont, venant le frapper au coeur, et lui rappeler que la Mort est bien là, patiente pour chacun d'entre nous.

    Les faits sont là : l'homme est fait pour mourir. Chacun, chacune court, au fil du temps, vers la mort et l'oubli. Chacun, sous les amas de chair et les amalgames osseux, abrite sa propre fin, dormante. L'homme à la mort dans la peau...Ce spectre glacial qui coule dans nos veines et fait frémir nos êtres... Incapable d'accepter sa propre mort, l'homme subit très difficilement la disparition des autre, qui, une fois leurs cendres dispersées aux vents, ou leur cercueil plongé dans les profondeurs de la terre, sombrent dans l'oubli. Avec leur mort, disparait un morceau de l'identité de chacun; un morceau qui au fil du temps, s'efface peu à peu, devient flou, perd de ses couleurs et de sa saveur.

    Cette atroce douleur qui ronge nos entrailles, alors que l'on scelle la tombe du défunt, n'est autre qu'une vive prise de conscience, un message. Ce message nous signalant que pour chacun de nous vient un jour sonner le glas. Aujourd'hui, demain, dans deux ans comme dans trente, il sonnera. Ce message nous annonçant que la mort est exempte de la moindre forme de pitié, de compassion, d'humanité...Ce message nous confirmant que l'homme doit apprendre à vivre chaque jour comme son dernier, incapable de prévoir de quoi sera fait le lendemain.

    Au final, à défaut d'être incapable de savoir quand la mort viendra sonner à notre porte, il semble insensé de créer un état de vie, puis de mort, la transition de l'un à l'autre se faisant sans mise en garde ni adieux. L'homme qui foule cette terre, ne sachant pas quel sera son destin, doit être considéré comme vivant et mort - une véritable réincarnation du "Chat de Schrödinger". Tout comme le chat, l'homme fut mit dans une boîte piégée d'une capsule de poison. Ne sachant quand la capsule explosera, celui ci ne peut se considérer vivant - la mort pouvant venir le frapper à tout moment - comme il ne peut se considérer mort - sa fin pouvant venir à une période très éloignée du temps présent.

    En définitive, devant l'incertitude du contenu des heures de demain, l'homme avance dans les ténèbres. Quelque fois, alors qu'il chemine sur la longue route qu'est le déroulement de sa vie, un de ses compagnons tombe au sol et ne s'en relève pas. Ainsi, l'homme est prévenu qu'un jour, sa chute viendra, elle aussi. Toutefois, la peur de tomber doit-elle nous empêcher d'avancer ? Notre chute étant inévitable, il ne tient qu'à nous d'explorer les recoins et les univers que la vie nous réserve.

    L'homme doit accepter l'omniprésence de la mort, rampante derrière chacun de pas. Ceci faisant, il constatera l'essentiel besoin de profiter de chaque secondes, minutes et heures, la suivante pouvant être la dernière, où enfin, sonnera pour lui, l'heure de faire face à la Mort, au néant et à l'oubli. 

    "Philosopher, c'est apprendre à mourir."

    Zehara

    La mort dans la peau...


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